LA MISE EN ABÎME D’UN RÊVE
Tous les quinze jours, La Galerie Émergente vous propose de repérer un détail d’une œuvre et d’observer son rapport à l’ensemble, ce qu’il apporte à la composition, ce qui le rend absolument nécessaire, même s’il ne vous a pas sauté aux yeux lors du premier regard !
Cette semaine, on se penche sur la présence incongrue d’une jeune fille au fond de l’eau, dans l’œuvre Fonds marins de l’artiste Angela Bellini. Cette dernière nous y donne à voir comme une jolie mise en abîme de la fonction de peintre : créer des rêves de la pointe de son pinceau…

Le vrai sujet de l’œuvre n’est pas toujours celui qu’on croit…
Le titre de l’œuvre l’annonce : il sera ici question de fonds marins. Vraiment ?
En effet, la peinture nous plonge dans les flots bleus : en premier plan, un décor de coraux colorés, au fond, un banc de poissons, au centre, un requin majestueux, nageant au-dessus d’une jeune fille de dos…
Oui, vous avez bien vu ! Mais que fait-elle donc ici, cette intruse ?
Si on s’approche, on découvre qu’elle tient dans sa main un objet, avec lequel elle semble chatouiller un petit poisson. Près d’elle, posés sur une table, on peut voir un pot de pinceaux, un chiffon et une palette pleine de couleurs.
Ce que la jeune fille tient dans sa main, c’est donc un pinceau, et ce petit poisson qu’elle semble toucher, elle est en réalité en train de le peindre !
Ce que nous montre ce détail, c’est que le véritable sujet, ici, c’est la peinture. Plus précisément encore, c’est « le fait de peindre ».

…Tromper l’œil et peindre des rêves
D’ailleurs, la jeune fille est positionnée en plein centre de la composition, entourée d’un halo d’un bleu plus clair qui met encore plus en évidence les couleurs chaudes qui la parent (robe rouge, cheveux roux) et qui contrastent fortement avec l’étendue bleue qui occupe les deux tiers du tableau. Impossible de la manquer !
Ce qui manque ici, en revanche, c’est la toile de notre peintre, qui dispose par ailleurs de tout son attirail, posé sur la table à côté d’elle…
On se dit alors qu’Angela Bellini nous propose quelque chose de plus que les beaux fonds marins annoncés dans le titre : il s’agit en fait d’un trompe-l’œil, peint par la jeune fille en rouge.
Eh pourtant, pas du tout ! Approchez vos yeux, à nouveau, de notre détail…

Vous voyez les pieds de notre peintre et ceux de la table ? Ils pataugent et se reflètent dans l’eau…
Angela Bellini n’a pas placé son personnage en dehors de sa composition marine, en train de peindre une fresque géante en trompe-l’œil, mais bien « au milieu » de son décor sous-marin.
On le voit également si l’on regarde sa position par rapport aux récifs de coraux de part et d’autre de la jeune fille, et aux algues qui se trouvent à gauche du tableau. Ces dernières sont en effet placées plus près de nous que ne l’est la petite peintre en robe rouge.

Ce détail suffit à rendre l’œuvre encore plus intéressante qu’un simple trompe-l’œil !
Car il met l’accent sur la capacité du dessin et de la peinture à produire des images de rêve, affranchies des lois physiques, même si elles s’inspirent parfois de ce que la nature a de beau et de merveilleux à nous présenter (comme des fonds marins).
Ce tableau, jouant sur la mise en abîme, nous rappelle que derrière cette composition se trouve l’artiste…
L’artiste en train de rêver, puis de retranscrire ce rêve à l’aide de pinceaux et de couleurs, pour le plus grand plaisir de nos yeux.
Envie d’en savoir plus sur Angela Bellini, biologiste peintre,
et ses œuvres à l’imaginaire enfantin et coloré ?
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