
Le travail artistique de danybliss recoupe plusieurs techniques et savoir-faire accumulés à partir de plusieurs époques expérimentales matérielles, sensorielles et intellectuelles.
De ce parcours émerge aujourd’hui de magnifiques et intrigantes digital paintings : photographies transformées en compositions complexes et métamorphosées en véritables tableaux par l’outil numérique et la créativité de l’artiste.
Dans ce portrait, danybliss nous retrace les étapes artistiques qui l’ont menée à sa pratique actuelle et nous dévoile quelques-unes de ses sources d’inspiration au quotidien.
AUX ORIGINES DE LA CRÉATION….
Comment en es-tu venue à peindre, dessiner, photographier… Quel a été le déclic ?
Début des années 90, peinture à l’huile…
Une palette de peintures à l’huile tombée entre mes mains au tout début des années 90, je me suis retrouvée investie d’une mission personnelle inconnue jusque-là : faire jaillir des explosions de couleurs sur des toiles de plus en plus grandes.
Pendant cette période, j’ai d’abord libéré et laissé parler mes doigts, mes mains, mes pinceaux, couteaux… Ils exprimaient dans le désordre mon tourbillon intérieur d’inspirations à naître.
De tableaux en tableaux, peut-être en prenant de l’assurance, les couleurs ont fini par gagner en harmonie, elles ont commencé à davantage se parler, à fusionner plus ouvertement. Mais déjà, de couches en sous-couches, du pinceau au couteau ou au grattoir, à l’éponge, mes peintures cherchaient à révéler, ou à faire surgir, des éléments cachés vers la surface. Peut-être qu’ils parlaient aussi de moi.
Fin des années 90, collages…
Lors d’un long séjour aux États-Unis sans mes pinceaux, je me suis lancée dans des collages. D’abord naturellement, avec du papier et des photos découpées puis, en revenant en France, avec des cartons et divers matériaux liés, souvent et malgré moi, aux nouvelles technologies. Je revenais de San Francisco et de la Silicon Valley.
Sur des formats tableaux, j’assemblais en aplats des chutes de composants d’ordinateurs que j’allais repêcher dans les magasins d’informatique : des cartes mères déchiquetées, des processeurs écrasés, des barrettes de mémoire fendillées, et puis des CD éclatés, des fils métalliques en guise d’esquisses de fleurs carnivores métalliques, des fils de couleurs, le tout sur fonds de photos de visages et de natures piochées dans les magazines qui nous inondent d’images préfabriquées. En parallèle, je continuais de peindre.
Déjà, je cherchais à fusionner sur le fond et par la forme l’informatique, de plus en plus présent dans nos vies, avec l’humain et la nature submergés par l’arrivée du silicone. À l’époque, limités par la résistance de la matière, ils se juxtaposaient, cohabitaient, se dévoraient parfois. Aujourd’hui grâce à la souplesse et à la dématérialisation du numérique, ils s’absorbent l’un l’autre dans mes tableaux digitaux pour ne faire plus qu’un. Et la nature a regagné sa vraie place majoritaire.
Années 2000…
Le temps du 100% numérique est alors arrivé pour moi comme pour une grande partie de l’humanité.
J’ai commencé à prendre des photos dehors partout, tout le temps, avec un Canon et un objectif 18 – 200 mm pour les longues distances, les paysages et la végétation, et un 50 mm pour les portraits, les auto-portraits (bien avant la mode des selfies bien sûr).
Tout naturellement, je me suis mise à retraiter mes photos dans des logiciels professionnels d’images avec lesquels j’étais familière dans mon travail pour la presse (graphiste pour L’Obs, Maison Française, L’Officiel de la Mode, L’Express Styles…).
Tout à coup, mes gestes de collage puis de feux d’artifice de couleurs que je pourchassais dans la peinture à l’huile se sont trouvés ici réunis. Alors, la bride physique lâchée sur ordinateur, j’ai vraiment tout mélangé, tout additionné, les savoir-faire, les envies, et les photos que je prenais.
Les thématiques que j’avais en moi se sont imposées de plus en plus clairement. Les auto "Portraits Trashés", ma version des "Trans/Humains" et de la "Méta/Morphoses » humain, nature et numérique actuellement en cours.
Painter, Photoshop, étaient l’expérience de la diversité, du mélange des genres (la photo, la photo retouchée, les transparences acquises avec les calques, toutes ces images recueillies avec mon Canon, me permettaient de réinventer un univers, celui qui n’existe pas mais qui devient réel.
Cette image finale, un humain, une fleur, une forêt, un paysage sont des proches clones de ce qui nous entoure. On pourrait presque se laisser abuser par certaines associations d’images. Cette rose-là n’est pas réelle, mais avec des artifices, on peut se laisser abuser. Tout ce qui nous entoure est facilement empreint de ce doute. La dématérialisation digitale le permet.
Aujourd’hui je continue ce travail de fusion du fond et de la forme sur mon iMac mais aussi sur l’iPad Pro. Avec mes doigts. Comme sur l’ordinateur, je multiplie sur tablette les couches, je retouche les couleurs (diverses apps : Photoshop, Affinity, les filtres d’Hipstamatic), je n’ai pas de tabou. Je joue et abuse des filtres et des transparences. C’est à la fois un mélange de maîtrise des outils et d’auto découverte des possibles.
Le résultat, évidemment, que j’ai baptisé Digital Paintings, m’appartient, je l’espère. Jusqu’au regard des autres qui arrivent parfois à y distinguer des choses qui m’ont moi-même échappées, que j’ai exprimées sans passer par un processus forcément conscient. C’est toute ma recherche : mon inconscient se joue de moi, et j’y aspire.

Quelles sont tes sources d’inspiration, les artistes que tu admires ?
L’art sous toutes ses formes me maintient dans un équilibre intellectuel et affectif. Je suis séduite par la force d’une image, d’une peinture, d’une sculpture, par une démarche conceptuelle.
Au début ce fut Monet, la poésie et l’intensité de ses toiles (les Cathédrales, les Parlements, Les Nymphéas), son obsession de la lumière, des brumes, des saisons… Zao Wou-ki.
Voilà pour les poètes, vinrent ensuite des peintres comme Gerhard Richter (Au Moma, à New-York une de ses expositions m’avait mise sur un nuage de bonheur), ses abstractions immenses rejoignent mes propres sentiments, tout comme Francis Bacon, et ses beautés fracturées.
Anselm Kiefer me bouleverse, chacune de ses toiles (monumentales) laisse une histoire se dérouler devant moi, mon imagination est alors en pleine effervescence.
Le Léviathan d’Anoush Kapoor me rend toute petite, perdue dans l’espace. Le Solitaire, sculpture de Théo Mercier s’approche du Penseur de Rodin, c’est un être fait de dizaines de spaghetti, de sa tête au bas de son corps. Pierre Soulages et ses « outrenoir » : je suis toujours à la recherche d’une profondeur au-delà de ce que l’on aperçoit.
La photographie compte aussi beaucoup. Ce sont plutôt des photographes qui composent : des installations, de la réalité détournée, de grandes séries à l’instar de Martin Parr (qui souvent dénonce ou se moque), d’Eugenio Recueno ou Liu Bolin. Parmi les femmes, Vanessa Beecroft, Cindy Sherman font aussi partie de cette veine. Grande mise en abyme des autres ou de soi-même.
Comment travailles-tu ? Quelles sont tes petites habitudes de création, ton rituel ?
Pas de routine. Je fais beaucoup de photos. Partout… En voyage, de ma famille qui reste mes principaux modèles, de la nature à chaque saison…
Vient ensuite le difficile choix parmi toutes ces possibilités. Je fais souvent des assemblages sur Photoshop. Et j’observe. Des dizaines de calques seront utilisés pour que « la photo » surgisse. Elle n’existe pas, n’a pas de teneur mais pour moi le sens devient évident.
La musique m’accompagne. Je suis aussi fureteuse dans toutes les zones de langage qui existent, la musique exprime mon humeur, la découverte d’un nouveau son. Mon Deezer regorge d’artistes, des anciens mais aussi et surtout des nouveaux. Elisapie, The Ballad of the Runaway Girl, tourne dans mes oreilles souvent en ce moment. Sa voix m’envoute. Bowie, Glass !
Une œuvre d’art
Aurora d’Anselm Kieffer
Une couleur
Toutes les variantes du rouge
Un livre
Le Petit Copain de Donna Tartt
Un film
In the Mood for Love de Wong Kar-wai
Un morceau de musique
Phantom of Aleppoville
de Benjamin Clementine
Une émotion
La transcendance
Un musée
Le Palais de Tokyo
Un architecte
Frank Gehry
Un monument
Tous les musées
Un voyage
Venise
Une ville
San Francisco
Un ingrédient ou un plat
Le chocolat
Une saison
Tout sauf l’hiver
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